Zélie Guével est professeure titulaire au Département de langues, linguistique et traduction, à l’Université Laval (Québec). Elle détient un doctorat en sciences du langage de l’Université Paris XIII et une maîtrise en terminologie de l’Université de Montréal. Son enseignement touche principalement à la terminologie et à la traduction spécialisée. La réflexion sur le langage du droit et la traduction juridique comme objet d’enseignement ainsi que sur la lexicographie spécialisée du domaine occupe une importante place dans ses travaux de recherche et ses publications. En 2003, grâce à une invitation de l’Union latine, elle a assuré la formation de formateurs anglophones et francophones en traduction juridique et économique à l’Université de Chisinau (République de Moldavie).
RÉSUMÉ
Comme le disait Capitant : « De même qu’il faut d’abord apprendre sa langue pour connaître un peuple étranger, de même la langue juridique est la première enveloppe du droit ». Dans les langues de spécialité, le terme juridique constitue sans doute l’exemple le plus complexe et le plus riche en ce qui touche le lexique d’un domaine de savoir. Nous nous proposons d’en explorer les diverses facettes.
Les termes juridiques peuvent d’abord être envisagés comme des désignations associées à des concepts de droit, lesquels appartiennent à des univers culturels bien délimités. De ce fait, quand vient le temps de nommer les concepts ou de déterminer des équivalences, l’harmonisation des systèmes et des vocabulaires ou encore l’adaptation terminologique à un système étranger, à l’intérieur d’une même langue ou pour des langues différentes, accroissent la complexité. Les relations particulières qu’entretiennent les termes juridiques avec les mots de la langue générale méritent aussi quelques observations. Par ailleurs, dans les textes, la vulgarisation et la volonté d’utiliser des termes simples imposent leurs contraintes tandis que la phraséologie, en particulier l’usage des bons cooccurrents verbaux et nominaux, plus restrictive que dans la langue générale nécessite une attention spéciale (statuer est le fait d’un juge; abroger concerne les lois, etc.).
L’exploration des diverses facettes du terme juridique que nous venons d’évoquer et la découverte de la complexité inhérente à ces termes font partie des objectifs d’apprentissage dans une formation au vocabulaire juridique, à l’intérieur de cours et de cursus visant à former des traducteurs ou des rédacteurs et à les initier aux textes juridiques.
Nous examinerons chacune de ces caractéristiques culturelles, conceptuelles et linguistiques du terme juridique, que nous illustrerons par de nombreux exemples de termes français et d’équivalents français de termes anglais, utilisés au Canada ou ailleurs, en nous référant à la common law et au droit romano-germanique ainsi qu’à des contextes faisant appel au droit comparé. Plus généralement, notre analyse du sens et des usages des termes dans une perspective de formation vise à montrer le danger que représente la croyance en l’existence de correspondances lexicales simples entre les systèmes et les langues.